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Validité d’un bail rural conclu par un seul époux grâce à la gestion d’affaires

Affaires - Affaires, Sociétés
05/11/2025

La Cour de cassation rappelle l’importance du mécanisme de gestion d’affaires dans les rapports entre époux soumis au régime de la communauté. Un époux peut valablement conclure seul un bail rural portant sur un bien commun, dès lors qu’il agit pour le compte de son conjoint, même sans mandat formel et même si ce dernier est parfaitement capable d’exprimer sa volonté.

Une représentation entre époux en dehors de toute incapacité

Le Code civil organise, en principe, la représentation entre époux lorsque l’un d’eux se trouve hors d’état de manifester sa volonté. L’article 219, alinéa 1, permet ainsi au conjoint d’obtenir une habilitation judiciaire pour accomplir certains actes relevant des pouvoirs du régime matrimonial.

Cette procédure suppose toutefois un recours au juge et n’est ouverte que si l’un des époux est empêché. En pratique, elle peut s’avérer inadaptée lorsque l’acte doit être conclu rapidement ou lorsque l’un des époux agit spontanément dans l’intérêt du couple.

La gestion d’affaires, un mécanisme autonome et efficace

L’alinéa 2 de l’article 219 prévoit une solution alternative : en l’absence de pouvoir légal, de mandat ou d’habilitation judiciaire, les actes accomplis par un époux pour représenter l’autre produisent effet selon les règles de la gestion d’affaires.

Ce mécanisme repose sur l’idée que, lorsqu’une personne agit utilement pour autrui sans y être tenue, les actes accomplis doivent produire leurs effets si l’intérêt de l’absent est préservé. La Cour de cassation confirme que cette logique s’applique également entre époux, même si le conjoint représenté est en mesure de prendre part à la décision.

Il en résulte que la gestion d’affaires n’est pas réservée aux cas d’incapacité ou d’empêchement du conjoint. Elle peut s’appliquer chaque fois qu’un époux agit, sans autorisation préalable, dans l’intérêt commun.

Articulation avec les règles protectrices de la communauté

Les articles 1425 et 1427 du Code civil prévoient que certains actes portant sur les biens communs — notamment la conclusion d’un bail rural ou commercial — nécessitent le consentement des deux époux, à peine de nullité. À défaut de ce double consentement, l’acte peut être annulé, sauf ratification ultérieure.

La jurisprudence récente précise que ces textes n’excluent pas l’application de la gestion d’affaires. Ainsi, même si un époux conclut seul un bail soumis à la règle du double consentement, l’acte n’est pas automatiquement nul si l’autre époux peut être considéré comme ayant bénéficié d’une gestion d’affaires régulière.

Les deux alinéas de l’article 219 ont un objet commun : organiser les modalités de représentation d’un époux par son conjoint. Ils sont complémentaires, chacun prévoyant des conditions de mise en œuvre propres.

Cette approche contribue à sécuriser les actes conclus par un seul époux lorsque ceux-ci sont accomplis dans l’intérêt du couple, tout en maintenant la protection attachée au principe du double consentement. La gestion d’affaires apparaît ainsi comme un outil juridique efficace pour éviter la nullité d’un bail rural portant sur un bien commun, dès lors que les conditions de ce mécanisme sont respectées et que la bonne administration des biens de la communauté est assurée.