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Prescription trentenaire et servitude de passage : une précision en matière d’enclave

Civil - Bien et patrimoine
Immobilier - Immobilier
04/11/2025

Le régime de la servitude de passage en cas d’enclave continue d’être précisé par la jurisprudence. Une décision de la Cour de cassation rappelle la portée de la prescription trentenaire lorsque l’usage d’un chemin est établi depuis plus de trente ans. Cette clarification concerne directement les situations d’enclavement et le règlement des conflits de voisinage.

Dans l’affaire en cause, le propriétaire d’une parcelle revendiquait l’existence d’une servitude de passage sur le terrain voisin. Ce passage était utilisé depuis plus de trente ans. Il en demandait la reconnaissance sur le fondement de la prescription acquisitive. La cour d’appel rejette cependant la demande, au motif que le passage ne se trouve pas sur un terrain issu d’une division foncière. Elle estime que l’article 684 du Code civil impose que l’enclave soit appréciée uniquement au regard des parcelles issues de cette division.

Cette interprétation restrictive est censurée par la Cour de cassation. La Haute Juridiction rappelle que l’usage continu d’un passage pendant trente ans permet de rendre inapplicable l’article 684 du Code civil. Une fois la prescription acquise, l’assiette de la servitude n’a plus à se limiter aux fonds issus de la division. Elle est alors celle qui résulte de l’usage trentenaire, même si le passage traverse un fonds qui n’est pas issu de l’opération de division.

Cette position s’inscrit dans une jurisprudence constante : la prescription trentenaire consacre une situation de fait prolongée, paisible et non contestée. Elle devient le fondement même de la servitude de passage, indépendamment des conditions initiales d’enclavement et de l’origine foncière des parcelles concernées.

La Cour de cassation reproche également aux juges du fond de ne pas avoir examiné plusieurs éléments de preuve produits à l’appui de la demande. Attestations, acte de vente, procès-verbal, plans cadastraux avaient été jugés déterminants en première instance. En omettant de les analyser, la cour d’appel a méconnu son obligation de motivation. Cette insuffisance justifie la cassation de l’arrêt.

Cette décision met en lumière deux enseignements principaux. D’une part, les juges doivent prendre en compte l’ensemble des pièces produites lorsqu’elles sont susceptibles d’influer sur la solution du litige. D’autre part, la portée de la prescription acquisitive en matière de servitudes est réaffirmée, en particulier lorsque l’usage d’un passage se prolonge sur plusieurs décennies sans contestation.

En pratique, les propriétaires d’un terrain enclavé peuvent invoquer l’existence d’un passage prescrit par trente ans d’usage, même si ce passage ne repose pas sur un fonds issu d’une division foncière. À l’inverse, les propriétaires du fonds servant doivent être conscients qu’un passage toléré durant une longue période peut conduire à la reconnaissance d’une servitude, au-delà du strict cadre posé par l’article 684 du Code civil.

Cette jurisprudence renforce la sécurité juridique attachée à la prescription trentenaire et souligne l’importance d’anticiper, dans les relations de voisinage, les conséquences d’un usage répété et non contesté d’un chemin de passage.