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Responsabilité décennale : une approche renforcée de l’imputabilité dans la jurisprudence récente

Civil - Bien et patrimoine
Immobilier - Immobilier
31/10/2025

La jurisprudence récente rappelle les contours essentiels de l’imputabilité du dommage en matière de responsabilité décennale. Cette solution intéresse directement les maîtres d’ouvrage, les constructeurs et leurs assureurs, car elle confirme une conception favorable à la protection du maître d’ouvrage et réaffirme la portée de la présomption de responsabilité posée par l’article 1792 du Code civil.

Un incendie survenu peu après la réception et un entrepreneur mis en cause

Des travaux d’électricité sont réalisés par une entreprise pour les besoins de la construction d’une maison individuelle. Peu après la réception, un incendie détruit entièrement le bien. Le maître d’ouvrage et son assureur multirisque-habitation assignent alors l’électricien et son assureur au titre de la responsabilité décennale.

La cour d’appel écarte toutefois cette responsabilité. Elle retient que, bien que le sinistre ait débuté dans le tableau électrique, il n’est pas démontré qu’un vice de construction ou une non-conformité affectait cet élément. Selon les juges du fond, il n’était donc pas établi que le dommage était imputable aux travaux de l’électricien.

Une distinction essentielle entre imputabilité et responsabilité

La haute juridiction casse ce raisonnement et rappelle que l’imputabilité ne doit pas être confondue avec la responsabilité. Le maître d’ouvrage n’a pas à démontrer l’origine technique exacte du sinistre. Il doit seulement établir que les désordres peuvent être en lien avec la sphère d’intervention du constructeur, au regard de leur nature ou de leur localisation.

Ainsi, lorsque le dommage prend naissance dans un élément sur lequel l’entrepreneur est intervenu, l’imputabilité ne peut être exclue, sauf à démontrer une cause certaine et étrangère à l’intervention du constructeur.

Dès lors que l’imputabilité est caractérisée, la présomption de responsabilité décennale joue pleinement. Elle ne peut pas être écartée au motif que la cause des désordres demeure incertaine ou inconnue. Les constructeurs ne peuvent alors s’exonérer qu’en démontrant que le dommage résulte d’une cause étrangère (fait d’un tiers, faute du maître d’ouvrage ou force majeure).

Une solution qui renforce la protection du maître d’ouvrage

Cette solution confirme que le régime décennal repose sur une logique largement protectrice. Le maître d’ouvrage n’a pas à mener une analyse technique approfondie ni à identifier la défaillance précise dans l’intervention du constructeur.

Il lui suffit de démontrer que le désordre trouve son origine dans un élément relevant de la zone d’intervention du professionnel mis en cause. Dans une situation où un incendie naît dans un tableau électrique, le simple fait que cet équipement relève de l’intervention de l’électricien suffit à établir un lien d’imputabilité, même en l’absence de preuve d’un vice identifié.

En exigeant la démonstration d’un vice de construction ou d’une non-conformité caractérisée pour retenir l’imputabilité, une juridiction du fond méconnaît la portée de l’article 1792 du Code civil. Le contrôle opéré par la jurisprudence rappelle ainsi aux constructeurs l’étendue de leurs obligations et la rigueur du régime de responsabilité décennale.

En définitive, cette approche confirme que la présomption de responsabilité décennale est appliquée de manière stricte et favorable au maître d’ouvrage. Dès lors que le dommage entre dans la sphère d’intervention d’un constructeur, la responsabilité décennale a vocation à être engagée, sauf preuve d’une cause étrangère. Cette évolution jurisprudentielle illustre la volonté de garantir une protection renforcée du maître d’ouvrage et d’assurer une meilleure sécurité juridique dans le domaine de la construction.