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Fautes de gestion du dirigeant justifiant le prononcé d’une interdiction de gérer

Affaires - Commercial
03/10/2022
Dans un arrêt du 8 septembre 2022, la cour d’appel de Douai confirme une mesure d’interdiction de gérer, rappelant ainsi les faits pouvant être reprochés au dirigeant de l’entreprise contre laquelle est ouverte une procédure collective : absence de comptabilité, non-coopération avec les organes de la procédure, omission de demande d’ouverture de la procédure dans le délai légal.
Dans certain cas – prévus aux articles L. 653-3 à L. 653-6 du code de commerce – le tribunal "peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci" (C. com., art. L. 653-8). Sont visés par ce texte les agissements du dirigeant caractérisant des fautes de gestion.
 
Dans la présente affaire, la cour d’appel détermine si le dirigeant a commis les fautes de gestion qui lui sont reprochées et, dans l'hypothèse où elles seraient caractérisées, si de telles fautes justifient le prononcé d'une interdiction de gérer.
 
Procédure en sanction personnelle contre le dirigeant
 
En l’espèce, la SAS X…, entreprise du bâtiment immatriculée en 2014, ayant été placée en redressement judiciaire par jugement du 5 septembre 2016, un plan d’apurement du passif avait été arrêté le 12 juillet 2017 : celui-ci prévoyait, sur une durée de un an, le règlement à 100 % du passif admis définitivement (mensualités constantes de 1 000 euros), mais la société n’avait procédé à aucun versement dans le cadre de ce plan.

Le 2 janvier 2018, la caisse de congés payés du bâtiment avait assigné la société X… aux fins d'ouverture d'une procédure collective faute d'obtenir le paiement de la somme de 8 766,58 euros due depuis 2016. Le 30 avril 2018, le tribunal de commerce avait prononcé la résolution du plan et ouvert une procédure de liquidation judiciaire, fixant la date provisoire de cessation des paiements au 1er octobre 2017.

Sur requête du ministère public, une procédure en sanction personnelle avait été engagée contre le dirigeant de la société X… Par jugement du 12 octobre 2021, le tribunal de commerce a prononcé à l’encontre de ce dernier une mesure d’interdiction de diriger, gérer ou administrer toute entreprise commerciale ou artisanale d’une durée de sept ans.
 
Le dirigeant a contesté cette décision devant la cour d’appel.
 
Trois fautes de gestion caractérisées
 
— Absence de comptabilité complète et régulière

Le dirigeant, qui reconnaît dans ses écritures n'avoir établi aucune comptabilité pour les exercices 2018, 2019 et 2020, avant l'ouverture de la procédure collective, justifie ce constat par la faiblesse du chiffre d'affaires.

Mais, pour la cour d’appel, la faute est caractérisée : la faiblesse du chiffre d’affaires ne constitue pas une cause d’exonération de l’obligation pesant sur tout dirigeant de tenir une comptabilité régulière et complète et de la déposer chaque année au greffe du tribunal (cf. : C. com., art. L. 123-12 ; C. com., art. L. 232-23, I) ; dès lors, en s’abstenant de tenir une comptabilité, le dirigeant s’est ici "privé d’un outil de gestion essentiel qui lui aurait permis de se convaincre de la nécessité de prendre des mesures".
 
— Absence de collaboration avec les organes de la procédure collective
 
Sur ce point, les faits reprochés ne peuvent porter que sur le comportement du dirigeant à la suite du prononcé de la liquidation judiciaire de la société X… par le jugement du 30 avril 2018.
 
Or il ressort du rapport du liquidateur judiciaire que le dirigeant s’est abstenu de répondre ou de prendre contact avec les organes de la procédure pour réaliser les démarches exigées ; en s’abstenant ainsi, il n’a pas permis à ces derniers de prendre les décisions les plus adaptées pour mener la procédure collective. La faute est donc caractérisée.
 
— Omission de demander l'ouverture d'une procédure dans le délai de 45 jours

Le jugement du 30 avril 2018 a fixé la date de cessation des paiements de la société X… au 1er octobre 2017, soit plus de quarante-cinq jours au préalable, sans qu'ait été sollicitée auparavant une procédure de conciliation.
 
Alors qu’il ne faisait face ni aux mensualités du plan ni au paiement des charges courantes, le dirigeant avait nécessairement connaissance de la situation irrémédiablement compromise de sa société. Selon les juges du fond, son comportement a consisté alors à se désintéresser totalement de la gestion de cette société, et par suite à ne pas déclarer, en pleine connaissance de cause, l'état de cessation des paiements… tout en créant parallèlement deux autres sociétés.
 
La faute est, là aussi, caractérisée.
 
Sanction justifiée

Pour la cour, les fautes retenues – prises isolément ou réunies – justifient la durée de sept ans de la mesure d'interdiction de gérer prononcée par les premiers juges.
 
En effet, l’entreprise s'est trouvée en difficulté financière dès l'année 2016, sans qu'aucune mesure ne soit prise par son dirigeant et alors que les problèmes de santé invoqués par l’intéressé n'avaient visiblement pas constitué une entrave à son activité. En outre, ce dirigeant ne démontre pas être dans l’impossibilité de pouvoir subvenir aux besoins de sa famille en exerçant ses compétences dans son domaine d’activité sous forme d'un emploi salarié.

Le jugement du tribunal de commerce est confirmé.
Source : Actualités du droit