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Paiement par compensation : conditions pour que le créancier puisse en bénéficier

Affaires - Commercial
19/09/2022
Ainsi que le précise la cour d’appel de Douai dans un arrêt du 1er septembre 2022, les règles applicables à la compensation des créances respectives du débiteur et du créancier dépendent de la date d’exigibilité de ces créances en rapport avec les différentes étapes de la procédure collective ; ainsi, les créances qui ne sont pas nées régulièrement après le jugement d’ouverture auraient dû être déclarées et, n’étant pas connexes, elles sont visées par l’interdiction de paiement à l’échéance.
La compensation étant l'extinction simultanée d'obligations – fongibles, certaines, liquides et exigibles – réciproques entre deux personnes (C. civ., art. 1347 et 1347-1), le recours à ce mode de paiement est soumis à des conditions précises en cas de procédure collective. En effet, le jugement qui ouvre la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes, c’est-à-dire nées d’une même source (cf. C. com., art. L. 622-7 et L. 641-3).
 
Ainsi que le souligne la cour d’appel dans le présent arrêt, "à défaut d'obligations réciproques dérivant d'un même contrat, le lien de connexité entre les créances et dettes du débiteur et du créancier ne peut exister qu'entre des créances et dettes nées de ventes et achats conclus en exécution d'une convention ayant défini entre eux le cadre du développement de leurs affaires, ou constituant les éléments d'un ensemble contractuel unique servant de cadre général à ces relations".
 
Créances et dettes découlant de contrats distincts
 
En l’espèce, un transporteur routier X… ayant été placé en redressement judiciaire en mai 2016, le tribunal de commerce avait prononcé, par jugement du 12 mars 2018, la résolution du plan de redressement arrêté le 4 mai 2017 et la liquidation de la société X… Par acte d’huissier du 19 septembre 2018, le liquidateur avait saisi le tribunal judiciaire afin d'obtenir la condamnation de la SCI Y… – bailleur de la débitrice – à lui payer la somme de 11 307,50 euros HT au titre de factures de loyers commerciaux impayées.

Par jugement du 3 septembre 2020, ce tribunal avait condamné la société bailleresse à verser au liquidateur la somme de 11 307,50 euros avec intérêts au taux légal à compter du 19 septembre 2018, date de l'assignation. La SCI, soutenant qu’il s’opérait une compensation entre ses créances et celles de la débitrice à concurrence d'un solde de 2 640,50 euros TTC à son bénéfice, a interjeté appel du jugement.
 
Pour sa part, s’il ne conteste pas le bien-fondé des différentes factures relatives à des loyers de locaux commerciaux que la débitrice reste devoir à son bailleur, le liquidateur de la société X… s'oppose à leur compensation avec la créance (correspondant à des prestations de transport sur 2018) qu'il détient auprès de la SCI.
 
La cour d’appel confirme la décision de condamnation au paiement de la somme de 11 307,50 euros, dette dont la réalité n'est d’ailleurs pas contestée par la SCI ; elle la confirme aussi en ce qu'elle déboute la SCI Y… de sa demande de compensation.
 
Rejet de la demande de compensation du créancier
 
 Les règles applicables à la compensation des créances respectives des parties dépendent de la date d’exigibilité de ces créances en rapport avec les différentes étapes de la procédure collective :
 
— deux factures de loyers ont été émises par la SCI avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire (janvier et avril 2016) : ces créances ne peuvent pas se compenser avec les créances de la société X…, lesquelles sont toutes nées après la mise en redressement ;
 
— cinq autres factures de loyers ont été émises pendant l’exécution du plan de redressement, période pendant laquelle la débitrice est réputée être in bonis (novembre 2017 à février 2018) : ces factures ne sont pas des créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, dont le paiement à l'échéance est autorisé par l’article L. 622-17, I, du code de commerce. Par conséquent, de telles créances devaient être déclarées après l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, conformément aux dispositions de l’article L. 622-24 du code de commerce, et, n'étant pas des créances connexes avec celles de la société X…, elles sont visées par l'interdiction de paiement prévue à l'article L. 641-3 dudit code.
 
D’où confirmation de la décision entreprise en toutes ses dispositions.
Source : Actualités du droit