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Quand le créancier qui n’a pas renouvelé l’inscription de sa sûreté en perd le bénéfice

Affaires - Commercial
28/02/2021
Même si, du fait de l'admission de la même créance à la procédure de sauvegarde, le créancier n’avait pas à la déclarer à nouveau à la procédure de liquidation ouverte après résolution du plan ainsi que les warrants qui la garantissaient, celui-ci n’était pas pour autant dispensé de renouveler l'inscription de ces derniers avant leur expiration. Dès lors qu’il n’y a pas eu renouvellement, le créancier ne peut contester l'admission, à titre chirographaire, de sa créance pourtant admise à titre privilégié lors de la première procédure.
Pour garantir le crédit accordé à un exploitant agricole, le créancier peut recourir au warrant, s’analysant en un gage sans dépossession. En application de l’article L. 342-7, alinéa 3, du code rural et de la pêche maritime, l'inscription de cette sûreté est radiée d'office après cinq ans si elle n'a pas été renouvelée avant l'expiration de ce délai.
 
Par ailleurs, conformément à l’article L. 626-27, III, du code de commerce "après résolution du plan et ouverture d'une nouvelle procédure par le même jugement ou par une décision ultérieure constatant que cette résolution a provoqué l'état de cessation des paiements, les créanciers soumis à ce plan ou admis au passif de la première procédure sont dispensés de déclarer leurs créances et sûretés. Les créances inscrites à ce plan sont admises de plein droit, déduction faite des sommes déjà perçues".
 
Le présent arrêt montre le caractère évolutif de la créance du bénéficiaire d’un warrant agricole dans le cadre de la procédure collective de son débiteur, la Cour de cassation précisant que "l’autorité de la chose jugée attachée à l’admission à titre privilégié n’a pas d’effet conservatoire pour l’avenir des sûretés qui ne sont pas renouvelées, et cet effet ne résulte pas davantage de l'existence d'un plan de sauvegarde ou de la faculté offerte par l'article L. 626-27 précité au créancier, en cas de résolution de celui-ci et d'ouverture consécutive d'une nouvelle procédure collective, de ne pas y déclarer à nouveau ses sûretés, ce texte ne dérogeant nullement à l'obligation de procéder, le cas échéant, à leur renouvellement".
 
Liquidation judiciaire après sauvegarde
 
Une société d’élevage X… ayant été mise sous sauvegarde le 2 août 2007, la société coopérative agricole Y… avait déclaré ses créances au passif de la procédure ; celles-ci avaient été admises, pour partie, à titre privilégié sur le fondement de deux warrants sur le produit de la vente de cheptel porcin établis les 20 octobre 2005 et 18 octobre 2006. Mais, par jugement du 2 mars 2015, le plan de sauvegarde arrêté le 1er décembre 2008 au profit de la débitrice avait été résolu et la liquidation judiciaire de celle-ci prononcée.
 
Par courrier recommandé du 7 mai 2015, la coopérative Y… avait informé le liquidateur qu'il subsistait un solde sur sa créance et avait demandé son admission à titre privilégié dans la nouvelle procédure. Mais, faisant valoir que l'inscription des warrants n'avait pas été renouvelée et que la coopérative ne pouvait prétendre au droit de préférence quelle lui conférait, le liquidateur s'y était opposé dans un courrier du 10 novembre 2015. Le juge-commissaire avait prononcé une admission à titre seulement chirographaire par ordonnance du 8 juillet 2016.
 
Dans le litige qui s’était ensuivi, le liquidateur reprochait à la coopérative de ne pas avoir répondu à la discussion sur la créance, instaurée par son courrier du 10 novembre 2015, dans le délai de trente jours prévu par l’article L. 622-27 du code de commerce : il concluait à l’irrecevabilité de la contestation de sa proposition d’admission.
 
Caractère privilégié contesté par le liquidateur
 
Les prétentions de la coopérative Y… à contester la proposition d'admission de sa créance formée par le liquidateur ont été déclarées irrecevables par la cour d’appel.
 
Cette dernière, considérant que le courrier du 7 mai 2015 adressé au liquidateur s’analysait comme une nouvelle déclaration de créances, a opposé à la coopérative son absence de réponse, dans le délai de trente jours, à la contestation par le liquidateur du caractère privilégié de sa créance.
 
Reprochant à la cour d’appel tant son refus d’application de l’article L. 626-27 du code de commerce que sa fausse application de l'article L. 622-27 du même code, la coopérative Y… s’est alors pourvue en cassation.
 
Sort de la sûreté non renouvelée
 
La Haute juridiction ne suit pas la cour d’appel dans son raisonnement. Dès lors que la créance, admise au passif de la procédure de sauvegarde, devait, en l'absence de toute modification, être admise de plein droit au passif de la liquidation judiciaire sous la seule déduction des sommes déjà perçues, cette créance n'étant pas soumise à une nouvelle vérification ni, par conséquent, à la sanction de l'article L. 622-27 du code de commerce, la cour d’appel a opposé à tort au créancier son absence de réponse dans le délai de trente jours. Mais l'arrêt n'encourt pas pour autant la censure.
 
En effet, énonce la Cour : "si l'admission de la même créance à la procédure de sauvegarde permettait au créancier, en application de l'article L. 626-27 du code de commerce, de ne pas la déclarer à nouveau à la procédure de liquidation ouverte après résolution d'un plan ainsi que les warrants qui la garantissaient, elle ne le dispensait pas, conformément à l'article L. 342-7, alinéa 3, du code rural et de la pêche maritime, de renouveler l'inscription de ces derniers après l'expiration du délai de cinq ans fixé par ce texte et jusqu'au paiement ou à la consignation du prix des choses warrantées".
 
En l’espèce, le liquidateur et la société débitrice, dont la discussion ne portait que sur le caractère privilégié de la créance, ayant fait valoir expressément, dans leurs conclusions d'appel, qu'il n'était « pas contesté que les warrants n'avaient pas fait l'objet, avant leur expiration, d'un renouvellement » et qu'il était  « constant que, lors de la résolution du plan de sauvegarde et au moment de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, le 2 mars 2015, la coopérative Y… avait perdu le bénéfice de sa sûreté », cette dernière n'a pas, en réplique à ces conclusions, prétendu qu'elle aurait procédé au renouvellement de l'inscription des warrants.
 
D’où rejet du pourvoi.
 
Pour aller plus loin
Pour un complément sur le warrant dans la procédure collective, se reporter au no 3915 de l’édition 2020 du Lamy droit commercial.


 
Source : Actualités du droit